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POUR UN GABON MEILLEUR!
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10 décembre 2007

LA DEVALUATION DU FRANC CFA DE 1994 EST UN ECHEC AU GABON (PARTIE I)

Dans une première partie, il est procédé à la présentation des fondamentaux à l’origine de la dévaluation du franc CFA. Dans une seconde partie, il est fait état des incidences réelles de l’ajustement cambiaire du franc CFA au Gabon (bilan de la dévaluation). 

A/ Les fondamentaux à l’origine de la dévaluation du franc CFA

D’une superficie de 266.667 km2, le Gabon, l’un des pays les plus riches de l’Afrique subsaharienne, à très faible population et à revenu per capita très élevé, a toujours connu, depuis son accession à la “souveraineté internationale”, une croissance économique régulière (20,7% en moyenne annuelle), une inflation modérée (10,2% en moyenne annuelle), des positions viables de la balance globale des paiements (BGP) et du budget, une promotion constante du bien-être de sa population…

Cette expansion économique rapide, qui a été essentiellement le fait de quatre produits (pétrole, bois, manganèse et uranium), a poussé les différents et successifs gouvernements de ce pays à s’engager dans un vaste programme de dépenses publiques stimulé par l’euphorie de la hausse des cours des matières premières des années 1970.

Toutefois, à partir de 1985, cette ancienne colonie de l’Afrique équatoriale française (AEF) a commencé à être secouée par une crise économique, sociale et financière.

Cette crise économique, sociale et financière s’est caractérisée, entre autres, par la contraction du produit intérieur brut, l’endettement massif intérieur et extérieur, l’explosion du chômage, de la pauvreté et de l’exclusion sociale, les revendications sociales et autres violents mouvements de rues.

Les causes de cette crise multiforme sont endogènes et exogènes. Les causes endogènes sont relatives au cadre sociopolitique créé par O. Bongo (clientélisme politique, administratif et intellectuel, tribalisation de la société, détournement bestial des deniers publics, évasion sauvage des capitaux…), aux distorsions structurelles de l’économie gabonaise (faible démographie, faible diversification de l’appareil productif, forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur, médiocre capital humain, dualisme de l’économie…) et au mécanisme monétaire de la zone franc. Les causes exogènes tiennent, quant à elles, essentiellement à la détérioration des termes de l’échange (TDE) des produits d’exports gabonais et à la surévaluation du franc CFA.

Face à cette situation de crise de l’économie et surtout, du fait de la carence de ressources financières propres pour y faire face, le Gabon s’est donc trouvé, à l’instar des autres pays africains de la zone franc (PAZF), devant la nécessité d’aller négocier, auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM), de la mise sur pied de mesures de stabilisation financière et d’ajustements structurels.

Ces différentes mesures dites « réelles », fondées sur une stratégie de désinflation compétitive, visaient globalement comme objectif, l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale par la baisse des coûts des facteurs de production.

Toutefois, malgré leur succès en matière de maîtrise de l’inflation, ces différentes mesures, très coûteuses socialement, furent partiellement appliquées voire, abandonnées à l’instar du 3è plan de stabilisation financière signé en 1991 mais, non conduit à son terme.

Pour les experts des institutions de Breton Woods, le retard pris par le gouvernement gabonais dans l’application des différentes réformes a suscité de tels profonds déséquilibres de la balance globale des paiements et des finances publiques qu’il était difficile de les résorber sans importants coûts économiques et sociaux.

Dès lors, du fait de l’échec global de ces mesures dites « réelles » et surtout, devant la situation d’aggravation de la crise économique, sociale et financière, le FMI et la Banque mondiale, en accusant le Gabon et les autres PAZF de défendre des parités surévaluées, firent de la dévaluation du franc CFA, la condition préalable à la négociation et à la signature de nouveaux programmes d’ajustements structurels.

La France avait longtemps refusé de voir dans cette mesure, un remède aux problèmes conjoncturels et structurels des économies de la zone franc CFA et avait, de ce fait, durablement préconisé la stratégie de recherche de la compétitivité de ces dernières par la baisse des coûts des facteurs de production et l’amélioration de la productivité.

Il a souvent été soutenu et admis l’idée selon laquelle le principal facteur motivant les interventions politiques françaises dans le fonctionnement de la zone franc était l’intérêt personnel qu’avait un groupe de responsables politiques et de fonctionnaires français à assurer la stabilité politique de court terme pour les gouvernements africains inféodés à Paris.

Aussi, il fallait continuer à procéder au financement de ces régimes autocratiques pour permettre le report d’une stabilisation macroéconomique. Certains de ces individus et leurs alliés politiques ont des intérêts économiques en Afrique francophone qui dépendent du maintien des relations amicales avec les chefs d’Etats des pays de la zone franc.

Il y’a également des intérêts bureaucratiques en jeu (de nombreux postes au sein de l’administration française dépendent directement ou uniquement de la coopération avec les PAZF).

L’attitude de ce groupe de responsables et de fonctionnaires sur l’ajustement monétaire a toujours été influencée par le fait que leurs intérêts dans les pays de la zone franc dépendent plus immédiatement du maintien des relations privilégiées avec les dictateurs africains que de l’adoption des politiques économique, monétaire et de change rationnelles et optimales pour l’Afrique francophone.

Dès lors, lorsque la nécessité de l’ajustement monétaire s’est présentée, mais avec un risque de faire tomber certains gouvernements, voire de bousculer les relations franco-africaines, ces derniers ont préféré un financement continu pour assurer la stabilité politique à court-moyen terme.

Toutefois, devant la situation d’insoutenabilité de la dette, d’ébranlement de la confiance des investisseurs étrangers, de fuite continue des capitaux, de récession économique et de paupérisation croissante… et surtout, face aux pressions du FMI et de la Banque mondiale, la France finit par faire savoir qu’elle n’allait désormais accorder son aide qu’aux pays de la zone franc qui avaient décidé de négocier avec les institutions de Breton Woods. Dès lors, la cause de la dévaluation du franc CFA était entendue.

Il convient tout de même de souligner que ce sont les transformations à l’intérieur du gouvernement français qui avaient entraîné ce revirement important de la politique française envers les PAZF. Pour la première fois, de hauts responsables politiques français avaient signalé en privé et en public leur ferme intention de ne consentir à l’aide budgétaire additionnelle que si elle était accompagnée de véritables conditionnalités. Le 23 septembre 1993, à l’issue de la réunion des ministres de l’économie et des finances des Etats de la zone franc, E. Balladur, chef du gouvernement français, avait prévenu que, désormais, les aides financières seraient conditionnées à la signature d’accords avec les institutions internationales. Autrement dit, la France refusait de continuer à combler les déficits des PAZF. Ce changement peut être attribué à plusieurs facteurs. Primo, il y’a eu un changement de génération des dirigeants français. Les anciens, symbolisant une position française de plus en plus dénigrée et accusée d’affairisme et de clientélisme et ayant des expériences professionnelles et universitaires communes avec certains dirigeants africains, avaient commencé à se retirer de la scène politique. Secundo, la normalisation des institutions de la diplomatie franco-africaine, suite au remplacement des officiels dont l’expérience professionnelle était concentrée exclusivement sur l’Afrique par des officiels disposant d’une expérience professionnelle plus diversifiée géographiquement. Tercio, la composition du gouvernement E. Balladur qui avait moins de liens personnels avec les dirigeants de la zone franc que ceux précédents.

En conséquence de tout ceci, le Gabon, en étroite concertation avec ses partenaires de la zone, accepta d’inclure dans sa stratégie de redressement de l’économie, l’ajustement monétaire du franc CFA.

Toutefois, le consensus des chefs d’Etats africains sur le changement de parité de la monnaie francophone africaine ne fut obtenu que grâce à des mesures de compensations financières (troc financement contre réforme) de la part des institutions de Breton Woods et de l’éternelle puissance colonisatrice, la France.

En effet, si la dévaluation du franc CFA était devenue la condition sine qua non de reprise des déboursements de la part des institutions de Breton Woods et d’autres bailleurs de fonds, le Gabon et les autres PAZF, asphyxiés financièrement, s’y sont soumis avec pour objectif de maximiser le montant des aides accordées dans le cadre des mesures d’accompagnements (ils les considéraient comme la juste compensation des sacrifices consentis). 

La décision de l’ajustement monétaire de la monnaie francophone africaine, de 50%, fut prise le 12 Janvier 1994, à l’occasion d’un sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de la zone franc à Dakar. Ainsi, de 1 FRF = 50 francs CFA de depuis 1939, le nouveau cours de change entre le franc français et le franc CFA fut désormais de 1 FRF = 100 francs CFA.

Cet ajustement monétaire, qui n’avait jusque là concerné que les autres pays africains hors zone franc (Nigeria, Ghana, Kenya…), a été remarquable de par son ampleur (50%) et son caractère uniforme pour l’ensemble des treize pays de la zone franc CFA.

Selon J.A.P. Clément « l’ampleur de la nouvelle parité a été décidée en fonction des différents indicateurs qui ont servi à estimer la surévaluation du franc CFA à savoir, l’évolution du taux de change effectif réel (TCER), la détérioration des termes de l’échange (TDE) et le changement de parité exigé pour rétablir l’équilibre intérieur et extérieur à moyen terme ».

Clairement, la nouvelle parité franc CFA/franc français a été affirmée comme durable et non prémices de dévaluations en chaîne « l’objectif a été de corriger en une seule fois les problèmes conjoncturels et structurels des pays africains de la zone franc CFA par l’adoption d’une parité susceptible de rester inchangée pour longtemps », écrit-il. Le taux de 50% visait donc à produire un impact psychologique éliminant toute anticipation de réalignement ultérieur.

Toutefois, arrivant à un moment inopportun, c’est un ajustement monétaire du franc CFA qui a entériné l’échec de l’ajustement déflationniste durablement prôné par la France et censé permettre le redressement économique des pays africains francophones. Cet échec a ainsi été révélateur de l’incapacité de la France à assumer seule la charge financière induite par son pré carré au niveau du compte commun d’opérations domicilié au Trésor public français.

Cette dévaluation du franc CFA avait un double intérêt, théorique et pratique. Son intérêt théorique tient au fait de la vive controverse, entre pro-dévaluationnistes et anti-dévaluationnistes, que cet ajustement monétaire n’a pas manqué d’alimenter quant à sa justification et ses effets attendus.

Relativement à sa justification, les pro-dévaluationnistes ont soutenu que c’est fondamentalement même la situation désastreuse des finances publiques, la perte durable de compétitivité, le déficit structurel des comptes extérieurs, la surévaluation du franc CFA, la détérioration des termes de l’échange… qui ont rendu cette dévaluation inévitable.

Selon ces derniers, seul l’ajustement monétaire du franc CFA allait permettre au Gabon (et aux autres PAZF) de connaître, à nouveau, une amélioration de leur compétitivité-prix, un rééquilibrage de leurs comptes intérieur et extérieur, un développement du tissu industriel local, une relance diversifiée de l’offre interne et de l’emploi, une dynamisation de l’intégration africaine…

A contrario, les anti-dévaluationnistes ont soutenu que le franc CFA n’était pas surévalué et que s’il l’était, ce n’était pas fortement. Selon ces derniers, la dévaluation du franc CFA, qui n’était pas opportune eu égard à la structure médiocre des économies africaines, allait conduire à une spirale inflationniste, à l’amplification des déséquilibres intérieur et extérieur, à la diminution du pouvoir d’achat, aux émeutes sociopolitiques, à la fuite des investisseurs étrangers ou des capitaux. Dès lors, il allait s’en suivre un déclenchement de dévaluations en cascade et un éclatement de l’intégration régionale.

Relativement aux effets attendus, le débat a principalement porté sur la mise en doute des effets positifs attendus sur les économies africaines compte tenu de leur faible compétitivité et diversification.

Son intérêt pratique tient, d’une part, au fait qu’en acceptant in fine le principe de la dévaluation, la France a néanmoins montré sa volonté de bousculer les pratiques prévalant jusqu’alors dans les PAZF. Pour B. Conte, « la modification de la parité du franc CFA a remis en cause un symbole, un type de relations privilégiées en même temps qu’un mode de fonctionnement sociétal fondé sur le prélèvement et l’utilisation de la rente ». Dans cette optique, la dévaluation se présentait comme une tentative de casser les mécanismes d’économie de rente qu’alimentait l’aide extérieure (souvent accaparée par les régimes corrompus africains au pouvoir) pour rétribuer leurs réseaux de clientèle et gonfler des comptes privés à l’étranger au grand dam de leurs populations. D’autre part, elle marquait une redéfinition des relations diplomatiques et financières entre les PAZF et les bailleurs de fonds internationaux et entérinait, de ce fait, le partage de la tutelle de la zone franc CFA par la France et les institutions de Breton Woods.

Au-delà de son double intérêt théorique et pratique, elle présente par ailleurs un intérêt d’actualité au sens où le mécanisme monétaire de la zone franc, qui a été pour la première fois mis à l’épreuve avec la dévaluation du franc CFA, n’a pas véritablement empêché les déséquilibres macroéconomiques du Gabon (et des autres PAZF) de se poursuivre.

La continuité des déséquilibres macroéconomiques de ce pays (et de certains autres de la zone) montre que la suppression de ce mécanisme de la zone franc est nécessaire (il est intenable). Elle est indispensable en ce sens que si ce dernier permet la maîtrise de l’inflation au travers d’une politique monétaire restrictive, il conduit, à contrario via le financement des déficits du budget et de balance des paiements par l’endettement intérieur et extérieur, à des déséquilibres macroéconomiques difficiles à corriger sans importants coûts sociaux.

Globalement, la dévaluation du franc CFA avait (8) huit objectifs à savoir, la relance de la compétitivité des PAZF, la restauration de l’équilibre de leurs balances budgétaires et globales des paiements, le retour à la viabilité financière des PAZF, la relance et la diversification de leurs offres internes, la restauration de la rentabilité des entreprises, la résorption du chômage et l’amélioration du bien-être des populations locales et enfin, le renforcement de l’intégration africaine au sens du développement du commerce intra-africain.

Toutefois, pour les atteindre, elle devait, selon les experts du FMI, s’inscrire dans une série de mesures d’accompagnements reposant sur des politiques macroéconomiques orthodoxes et des réformes structurelles ou sectorielles sans lesquelles, elle était vouée à l’échec.

En effet, en contrepartie de l’aide financière massive accordée aux PAZF, le FMI et la Banque mondiale avaient mis au point, pour ces derniers, des mesures bien détaillées et assorties de calendriers très précis quant aux résultats économiques à atteindre. Ces mesures d’accompagnements ont ainsi fourni l’occasion de renforcer les conditions posées pour le déblocage échelonné des tranches de crédits (prêts) d’ajustements.

Ainsi, E. Alphandery, ministre français de l’économie avait, lors de la réunion des ministres de l’économie et des finances de la zone franc le 14 avril 1994, affirmé que « si le changement de parité est un élément clé [du redressement], la mise en œuvre effective des mesures d’ajustements qui doivent l’accompagner est une nécessité absolue pour réussir. Le respect de chacun des engagements souscrits à l’égard du FMI constitue un impératif ».

                                       

                    Jacques Janvier Rop’s Okoué Edou          

         Docteur en Economie et Finance Internationales  

          Enseignant à l’Université de Rimouski (Canada)

   Opposant au régime criminel et kleptocrate de O. Bongo

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Commentaires
M
Dr Okoue<br /> <br /> J'ai passe 3 mois a Rimouski en stage dans le departement R&D de l'industrie halieutique (Technomar), il y a deja plus de 10 ans. Ce qui ne me rajeunit pas du tout.<br /> <br /> Du courage, je sais combien les hivers y sont rudes (-40C) et Meilleurs Voeux 2008!<br /> <br /> M2005
M
Mon jeune frere Jacques <br /> Bonjour<br /> <br /> Je suis très contente de savoir que tu es à l'Université de Rimouski (Canada). Te connaissant battant et ambitueux tous mes encouragements t'accompagnent.<br /> Bien de choses à ta petite famille.<br /> T'a été à Bordeaux dernièrement , un coup de fils de ta part m'aurait fait bcp plaisir.<br /> Mon adresse actuelle.<br /> 1 Rue des Vignobles Res. Parc de Capeyron<br /> Bat. Pomerol<br /> 33700 Merignac.<br /> Marie Louise.
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